LES ARMES DE PARIS

De tous temps, les hommes ont éprouvé le besoin de se rallier sous des emblèmes à des fins de distinction, d'identification, de reconnaissance. Soit pour des raisons militaires, administratives, ou pour défendre une idée. Ainsi, chaque pays a son drapeau, chaque ville a son blason.

Les premier habitants de Lutèce étaient des insulaires. Aussi, dès la formation de la Cité, ils se livrèrent à la navigation. Sous le règne de Tibère, les navigateurs parisiens (Nautae Parisiaci) élevèrent à Jupiter un autel dont les fragments furent retrouvés dans l'Ile de la Cité, sous le choeur de Notre-Dame, au cours de fouilles effectuées en 1710. Une pierre de cet autel, conservée au musée de Cluny porte la mention en latin "Sous Tibère César Auguste, les navigateurs parisiens ont élevé publiquement (ce monument) à Jupiter très bon, très grand". Déja, les "Nautae Parisiaci" formaient une société reconnue, par la puissance publique qui régissait alors Lutèce.

En 1210, Philippe Auguste était roi de France. Il concéda des droits et privilèges de Prévôté à la puissante corporation des marchands de l'eau de Paris (Mercator aquae Parisius) qui avaient déja reçu des privilèges de Louis VII dès 1170. Les marchands de l'eau avaient seuls, le droit d'amener par voie fluviale des denrées sur le Port de Paris. Ils possédaient le privilège exclusif de la navigation sur la Seine, en aval des ponts de la Cité jusqu'à Mantes. Aucun marchand n'appartenant pas à la Corporation ne pouvait pénétrer dans ce riche bassin sans être conduit par l'un d'entre eux ou son représentant.

 

Grandes armes de la Ville de Paris établies selon les usages de l'art et de la science héraldiques.

Elles s'énoncent comme suit:

Blason: De gueules à la nef équipée d'argent voguant sur des ondes du même, mouvant de la pointe; au chef d'azur, semé de fleurs de lis d'or.

Ornements extérieurs: l'écu timbré d'une couronne murale d'or à cinq tours crênelées est soutenu par deux branches: de chêne (à dextre) et de laurier (à senestre) au naturel, croisées en pointe en sautoir, retenant un listel de parchemin chargé de la devise en lettres romaines de sable "Fluctuat Nec Mergitur". Les décorations au naturel, sont appendues à la pointe de l'écu.

Au centre: la Légion d'honneur (décrêt du 9 octobre 1900). A dextre: la Croix de la Libération (décrêt du 24 mars 1945). A senestre: la Croix de Guerre 1914-1918 (décrêt du 28 juillet 1919).

1556: Sur Ordonnance de la "Prévosté des Marchands".
1699: Brevet d'enregistrement à l'Armorial général de France le 27 février 1699, Registre 3 N° 550.
1735: Sur le Plan de Turgot.
1792: Les trois couleurs arborées par Lafayette et Bailly devenues couleurs nationales, deviennent quelques temps celles de la ville.
1811: Lettres patentes de Napoléon 1er du 29 janvier 1811. Chef des bonnes villes impériales: trois abeilles, et la déesse Isis assise à la proue de la nef.
1817: Lettres patentes du 20 décembre 1817, après décision royale du 6 décembre 1817. La modeste nef des navigateurs parisiens a été transformée en navire de haut bord.
1848: Relevé sur une plaque de gardiens de cimetières. Le chef fleurdelisé a été remplacé par un semé d'étoiles. La nef est du genre bateau lavoir.
1853: Décision préfectorale du 24 novembre 1853. Noter que sous le second Empire, Napoléon III a permis le chef fleurdelisé de France ancien pour le blason de Paris.
1924: Reconduit par le décret de 1949. Les fleurs de lis sont transformées en piques de grilles. La nef semble sombrer. La figuration des ondes est interrompue sans raison, vers la pointe.

La voie fluviale représentait un grand avantage à cette époque pour les grands transports, comparée aux difficultés qu'il y avait alors de les effectuer par terre. Ce monopole fut la source de la richesse de cette corporation.

Le symbole le plus naturel de ce commerce, le bateau de rivière, est parvenu jusqu'à nous, par le sceau de 1210 défini ci-contre. En scellant leurs actes privés et publics du sceau représentant ce modeste bateau, la Prévôté de Paris appartenant à cette riche Corporation, transmit cet emblême à la collectivité des citoyens.

En 1356 le dauphin Charles était Régent du Royaume depuis la captivité de son père, le roi Jean le Bon à Londres. Depuis 1355, Etienne Marcel, riche drapier, Prévôt des Marchands, était le maître tout puissant de Paris. Il fit égorger dans le palais royal, le 22 février 1358, les maréchaux de Champagne et de Normandie, conseillers du dauphin. Craignant pour sa propre vie le dauphin, alors âgé de 21 ans, avait invoqué la pitié de ce bourgeois, ordonnateur du massacre. Etienne Marcel le couvrit alors de son insolente et efficace protection en lui mettant sur la tête comme marque de salut, son chaperon mi-parti bleu et rouge (couleurs qu'il avait adoptées et qui demeurèrent celles du blason de la ville). Le dauphin avait dû quitter Paris en fugitif, couvert d'outrages et d'humiliations. La rebellion de Paris s'était étendue aux principales villes du Royaume et sous le nom de "Jacquerie" avait porté partout la désolation dans les campagnes. Le 31 juillet 1358, Etienne Marcel fut massacré par l'échevin Jean Maillart au moment où il allait trahir la cause de la France, en livrant la porte de la bastille Saint-Denis à Charles de Navarre, dit le Mauvais, allié aux Anglais.

Au mois d'avril 1358, le sceau de la ville ne portait pas encore de fleurs de lis. Elles n'apparaissent qu'en décembre de cette même année, soit après la mort d'Etienne Marcel. Les symboles avaient à cette époque une particulière importance. Aussi, comme gage de réconciliation, le nouveau Prévôt Pierre Gencien, voulant faire oublier l'outrage de ses prédécesseurs, et considérer le Régent comme le protecteuret le maître de cette barque symbolique, introduisit alors la fleur de lis dans le nouveau sceau de la ville. A partir de cette date, 1358, les fleurs de lis accompagnent toujours la nef de Paris (sauf sous le 1er Empire et en 1848). Seule la place qu'elles occupent et leur nombre seront variables, ce qui est la preuve évidente qu'elles ne sont pas une concession régulière.

Le sceau de Paris ayant été perdu ou volé en 1417, c'est à partir du nouveau sceau de 1426 que le semé de lis de France occupe exclusivement et pour ne plus en sortir désormais, le chef de l'écu. Ce chef fleurdelisé apparut cependant dès février 1415, ainsi qu'en témoigne une lettrine enluminée d'une ordonnance royale sur le code des libertés et droits communaux de la ville.

1942: Arrêté préfectoral du 20 juin 1942, approuvant les travaux de la Commission d'héraldique urbaine de la Seine, qui a proposé de reprendre, en le modernisant, le dessin de la nef de 1412.

Signification des couleurs:

Bleu et Rouge: Couleurs de ralliement d'Etienne Marcel.

Rouge: Couleur de la paroisse de Saint Denis. Couleur de feu, de l'amour en général et divin en particulier. Couleur de la charité, des notables romains.

Bleu: Couleur du roi depuis le 12e siècle (Louis VII): profondeur, immatérialité, pureté. Couleur de la Vierge.

Fleurs de Lis: Imposées par le roi après l'échec d'Etienne Marcel pour bien marquer son autorité sur la Ville.

1210: En cire naturelle. Scel de la "Marchandise de l'eaue". Légende: "Sigillum Mercatorum aque Parisius" appendu sur double queue en parchemin au bas d'un cirographe relatif à un accord sur la vente du sel, entre les marchands de Paris et ceux de Rouen. Sceau conservé aux Archives Nationales N° DD 5582.
1393: En cire rouge. Apposé sur les anciens actes du Parloir aux bourgeois, conservés dans les archives de l'Hôtel de Ville. Apparition des fleurs de lis dans le sceau de Paris.
1412: En cire rouge. Légende: "Sigillum Mercatorum aque Parisius", appendu sur un acte de vente d'une maison, faite au Collège de Bourgogne par un écrivain libraire de Paris par devant le Prévôt des Marchands Pierre Gencien le 12 octobre 1412. Sceau conservé aux Archives Nationales N° DD 5585. Les fleurs de lys figurent rangées sur la voile. La nef est accompagnée de deux autre fleurs de lis ornant le fond de sceau. Lors des fêtes du bimillénaire de Paris en 1951, un timbre poste de 15 francs fut émis, reproduisant le trait de ce sceau de 1412 posé sur les coloris mi-parti bleu et rouge de l'Echevinage.
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